Sites et types
Bâtiments
Eléments défensifs
Maçonnerie
Formes de détail

Le matériau de construction de loin le plus utilisé dans les collines de la vallée du Rhône inférieure occidentale est le calcaire. D’autres variétés de pierre telles que le granit, le schiste et le basalte n’apparaissent que dans les contreforts des Cévennes, qui présentent alors également, dans des ouvrages de même époque de la basse région des collines, d’autres formes de construction (par ex. Brésis dans la haute vallée de la Cèze).



D’après mon estimation, les vestiges de murailles conservés les plus anciens ont tous été érigés en moellons naturels ou en petits blocs taillés au marteau; des trous réservés pour les poutres d’échafaudages se trouvent en l’occurrence répartis sur la surface des murs, par exemple dans la chapelle de Saint-Victor-la-Coste transformée en tour, à Allègre, à Gicon et sur la tour centrale de Sabran.

On peut observer le même phénomène dans l’ancien couvent de Goudargues: à côté des parties originales de l’église conventuelle et du réfectoire du 12e siècle tardif, fortement transformées au 19e siècle, se trouve la chapelle Notre-Dame-de-Cazeneuve, utilisée aujourd’hui comme habitation.

Contrairement aux bâtiments cités précédemment, elle est construite en moellons naturels grossièrement taillés dans la technique décrite plus haut, et datée de la première moitié du 12e siècle.1



On trouve de manière isolée de l’opus spicatum (dit aussi appareil en épis de blé, ou en arêtes de poisson, NdT) — plus souvent2 dans les zones de schistes des Cévennes que dans les collines bordant la vallée du Rhône. Ici comme en Allemagne, c’est le signe d’une construction précoce (autour de 1100), sans qu’il soit toutefois possible de délimiter une période plus précise.



Des murs sans trous de boulins, faits de pierres taillées lisses de petits à grands formats, bien ou très bien travaillées, apparaissent sans doute à partir de la deuxième moitié du 12e siècle.

Les pierres ne présentent pas encore les formats plutôt allongés qu’elles prendront généralement plus tard. Ce type de maçonnerie est visible de manière particulièrement impressionnante sur les murs d’excellent appareil des tours de Bouquet (Fig. 8).



A partir du 12e siècle tardif — sans doute grâce à l’amélioration de la technique de construction — des édifices sont plus fréquemment bâtis entièrement en blocs lisses de plus grande taille et/ou parés ponctuellement de pierres à bossage rustique.

Il s’agit alors principalement de tours. Génolhac et La Garde-Guérin peuvent être cités à titre d’exemples précoces.

A la surface des murs de la tour de Génolhac, vraisemblablement érigée en 1197 par Bertrand d’Anduze,3 des blocs taillés à bossage sont disséminés sur toute la hauteur, entre les blocs de granit lisses. La tour de La Garde-Guérin est entièrement habillée de blocs à bossage.

Celui-ci est grossier, avec un liseré relativement mince.4 La tour de Verfeuil en est un autre exemple précoce.

Un phénomène apparaissant également fréquemment dès avant 1200 est l’accentuation des angles des bâtiments à l’aide de blocs à bossage, ainsi par ex. dans le cas de la tour de Marcuel près de Verfeuil et de la Maison du Chevalier à Balazuc.



Dans la mesure où elles ont été décrites dans la littérature, d’autres tours entièrement parées de blocs à bossage sont datées du début du 13e siècle, la plupart du temps sans explications plus précises des points de repères utilisés. Sommières (Gard), par ex., ou la tour du Château-Neuf à Montréal (Ardèche).5

On trouve de nombreux autres exemples de tours partiellement ou complètement habillées de blocs à bossage et qui n’ont pas encore été étudiés scientifiquement.6 Afin de pouvoir procéder à un classement chronologique, une saisie globale ainsi que l’élaboration d’un catalogue comprenant une analyse comparative de l’appareillage/maçonnerie, de la structure intérieure et de l’histoire de ces édifices, jusque-là inexistantes, seraient nécessaires.

Dans le cas de quelques exemples, on peut cependant supposer avec une quasi-certitude une construction datant du 13e siècle tardif : ainsi, des masques de visages de facture manifestement gothique sont intégrés dans la tour du Château-Vieux à Montréal, située à proximité immédiate du Château-Neuf, à côté de l’entrée surélevée.

Comme nous le montrerons plus loin, des influences gothiques peuvent être constatées dans la vallée inférieure du Rhône au plus tôt à partir du deuxième quart du 13e siècle; mais une adoption de ces influences par la noblesse locale ne peut cependant être observée qu’à partir d’environ 1240-1250.

On est donc tenté de dater la tour de cette époque, ou d‘encore plus tard. L’appareil très régulier en ce qui concerne le format des blocs de pierre et la hauteur des lits plaide également en faveur d’une construction tardive. Comme on peut le constater en considérant l’édifice dans son ensemble, le château fort de Féreyrolles devrait être classé de manière similaire (voir ci-dessous).



Au 13e siècle tardif, les blocs à bossage sont utilisés différemment: à Montclus et à Barjac, seule la zone du socle est ainsi parée. Leur fréquence diminue avec la hauteur des murailles, on ne trouve pratiquement plus que des blocs lisses dans la partie supérieure.

Dans les deux cas, la forme tout à fait traditionnelle des meurtrières et des ouvertures de portes est certes troublante, mais d’autres détails indiquent sans aucun doute possible une construction tardive (voir ci-dessous).

Globalement parlant, on ne peut établir de règle générale valable pour le traitement des blocs de pierre durant la période décrite. S’il existe de nombreuses variantes, on peut cependant constater une prédilection pour la combinaison de bossages plats à large liseré.

Il est frappant de constater l’absence de trous de pinces de levage dans tous les exemples cités. Contrairement au cas des édifices sacrés, on n’a pas trouvé jusqu’à présent de signes de tâcherons dans la zone que j’ai traitée,.7

Le seul exemple que je connaisse dans un château fort de la région se trouve dans le Château de la Gaffière, près de Bollène, que l’on peut dater du début du 14e siècle à l’aide des vestiges de fenêtres.



1 Pérouse, Césari (cf. note 9), p. 254.

2 Par ex. dans les châteaux forts de Tournel et Luc (tous deux en Lozère).

3 Pérouse, Césari (cf. note 9), p. 250. Le biforium roman intégré de manière secondaire dans la cure située aujourd’hui à côté souligne la datation précoce de par sa forme trapue et grossièrement travaillée.

4 Le fait que les escaliers de pierre émergeant de la surface des parois à l’intérieur de la tour présentent de grandes similitudes avec ceux du complexe palatial d’Allègre conforte la thèse de la datation précoce. Les mâchicoulis de la tour sont des reconstructions datant des années trente du vingtième siècle, réalisées à partir des pierres des consoles ajoutées ultérieurement (vraisemblablement au 13e siècle tardif ; Pérouse/Césari (cf. note 9), p. 250.

5 Laffont (cf. note 3), p. 160 et suivante.

6 Les exemples que je connais sont classés par départements : Balazuc, Tour de Brison, Montréal (Ardèche) ; La Garde-Guérin, Génolhac, Miral (Lozère) ; Barjac, Bellegarde, Boucoiran, Castelnau-les-Valences, Cavillargues, Cendras, La Fare, Féreyrolles, Montclus, Moussac, Tour de Peyre, Sabran, Salles-du-Gardon, Sommières, Roquemaure, Theyrargues, Uzès, Verfeuil (Gard) ; Brissac, Durfort, Sauve, Viviourès (Hérault) ; Chamaret (Drôme) ; Bollène, Château de la Gaffière, Château de l’Hers (Vaucluse) ; Tour St-Gabriel (Bouches-du-Rhône).

7 On voit par exemple dans la chapelle Sainte-Thyrse de Maransan des signes en forme des lettres J et M. Dans la chapelle voisine de Saint-Florent de Boussargues, de nombreuses pierres sont gravées d’un P dans la zone de l’abside, à côté de croix gravées. Dans l’église de Saint-Restitut (Drôme), plusieurs signes sont aussi apposés en combinaison les uns à côté des autres, sur le clocher. Les terminaisons des signes en sérifes sont typiques de la région. On remarque la taille relativement importante des signes et leur exécution soigneuse, ainsi que leur concentration ponctuelle : on peut donc supposer que le maître d’oeuvre respectif a souhaité documenter ainsi son ouvrage en qualité de responsable de l’ensemble des travaux. Dans d’autres exemples, des noms entiers sont inscrits sur le bâtiment (voir Andreas Hartmann-Virnich, Was ist Romanik (Qu’est-ce que l’Art Roman ?), Darmstadt 2005, p. 116 et suivante).




Version imprimable